TRAVAUX ACROBATIQUES : Ascension d'une des flèches de la cathédrale Saint-André,
place Pey-Berland, à Bordeaux en compagnie d'un maçon acrobatique. En haut quelle claque



Denis LHERM

Nicolas Gaudé est maçon, tendance araignée. Ses chantiers sont perchés, seulement accessibles grâce aux techniques de l'escalade. Il a choisi cette spécialité sans jamais avoir pratiqué l'alpinisme. Pour lui, c'était une évolution professionnelle. Nicolas Gaudé est donc devenu maçon acrobatique. Il travaille pour la société Adret, spécialisée dans les chantiers aériens légers. Là où les échafaudages ne vont pas, pour cause d'accès impossible ou de coût astronomique, lui va, avec ses cordes, son casque et ses outils pendus au baudrier.
Un jour en haut des cheminées de la centrale thermique du Bec d'Ambès, quatre tubes verticaux de 140 mètres, lisses comme des goulots de bouteilles, pour repeindre une passerelle.

 


L'ascension de la cathédrale Saint -André se fait sur une corde fixe, le long de la paroi extérieure.85 mètres de haut,
la ville et son grondement en bas, et cette aiguille qui ne cesse de s'amenuiser vers le ciel.
Beaucoup plus impressionnant que l'escalade en montagne. (Photo Claude Petit)

Le lendemain dans les Pyrénées, pour purger la bouche d'évacuation d'un barrage de montagne, sur le lac de Caillouas. Dernièrement, il était sur l'une des flèchesde la cathédrale Saint?André, à Bordeaux, où nous l'avons suivi. Pour voir comment travaille ce maçon jamais au pied du mur.
"Morts de trouille "

Au lendemain de la tempête du 27 décembre 1999, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) a

demandé à Adret d'inspecter le sommet des flèches. Installer un échafaudage aurait pris beaucoup de temps, et coûté autour de 200 000 francs. Les maçons-grimpeurs d'Adret, eux, sont montés en deux heures et pour 5 000 francs. "Quand nous annonçons les tarifs, les clients croient que nous plaisantons". Quand on commence à grimper, en revanche, on plaisante moins. L'ascension de la flèche de la cathédrale se fait sur corde fixe, le long de la paroi extérieure. 85 mètres de haut, le vide autour, la ville et son grondement en bas, et cette aiguille qui ne cesse de s'amenuiser vers le ciel. Beaucoup plus impressionnant que l'escalade en montagne."On reçoit plein de candidatures de montagnards qui pensent pouvoir faire ce métier. Mais cela n'a rien à voir. J'en ai vu un paquet morts de trouille, à ne pas pouvoir travailler ", affirme Nicolas Gaudé.
La corde supporte une tonne en traction. Par réflexe, on s'agrippe
quand même aux reliefs qui décorent les arêtes de la flèche. " Euh... fais gaffe à pas trop t'accrocher, ça peut partir"
Ah bon. C'est si fragile une cathédrale? Vue d'ici par ses pointes et non sa base, c'est effectivement une dentelle peu rassurante.
Et le maçon, est-ce qu'il a peur ? " Non, je suis habitué. Enfin... Quand même, quand on arrive en haut de la flèche Saint_Michel, à 116 mètres, on prend une sacrée claque ! " Drôle de gifle également après la
tempête, pour les deux ouvriers qui ont escaladé une pointe de flèche zébrée de fissures où ils pouvaient passer la main... Là, ils ne plaisantaient plus du tout.
" On va toujours travailler avec une poussée d'adrénaline, une pression particulière, reprend Nicolas. C'est pas "une journée de plus " derrière son ordinateur. J'aime ce métier pas ordinaire, j'aime être en hauteur J'ai de la fierté, aussi... Quand
on est en haut, woff ! ça envoie !"