CATHEDRALE SAINT-ANDRE
Les travailleurs acrobatiques
de la société Adret vont intervenir deux mois durant sur la cathédrale.
Clou du spectacle : une tyrolienne tendue entre le clocher et les tours


Les maçons du ciel ont évolué hier sur les flèches de Saint-André. Dans quelques jours, on les admirera entre ciel et terre
à hauteur du chevetde la cathédrale (Photo Nicolas Gaudé)

JEAN DENIS RENARD

Outre ses indéniables compétences dans le secteur du bâtiment, la société Adret pourrait développer ses activités vers les arts de la piste: bloquer les accès à la place Pey-Berland, installer des transats tournés vers la cathédrale et faire payer l'entrée à un tarif raisonnable. A en juger par le spectacle qui va être proposé aux Bordelais ces prochaines semaines, il y aurait du monde aux représentations.

Assister aux évolutions d'une poignée de funambules qui progressent sur un réseau de cordes tirées à 50 mètre d'altitude entre le clocher Pey-Berland et les deux flèches de Saint-André, ça vaut les trapézistes de la Compagnie Arts Sauts au grand complet.

Seulement voilà, les gars de chez Adret ne voltigent pas pour épater la galerie et faire la quête à la sortie.Mandatés par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), ils vont se mettre au chevet de Saint-André... sur le chevet de Saint-André.

Puisque c'est essentiellement sur cette partie de l'édifice qu'ils vont être amenés à soigner la pierre dans les semaines qui viennent.

ENCORE LA TEMPÊTE

Établie à Ambarès, la société Adret occupe le créneau des travaux acrobatiques légers. Légers comme ses employés, qui évoluent comme des colibris sur les façades, au moyen de cordes et de baudriers. En utilisant les techniques de la spéléologie et de l'escalade, Adret va où les nacelles peinent à monter, faute de sol stable pour une grue ou de bras articulé suffisamment long. L'entreprise connaît bien Saint-André, où elle a déjà eu l'occasion d'intervenir à l'automne dernier. Il se trouve que, depuis le 27 décembre 1999, la cathédrale Saint-André a de nouveau besoin de ces visiteurs des cimes. On se souvient que la tempête avait descellé des pierres, bousculé des pinacles et précipité des débris sur la place alentours. Vu l'épaisseur du carnet de commandes de tous les professionnels,

aucun diagnostic fin des dégâts sur les parties hautes n'avait encore pu être effectué, par exemple, sur les flèches et sur le chevet, particulièrement délicat d'accès. Quand la DRAC a décroché son téléphone, Adret a dit oui et s'est gratté le cuir chevelu pour imaginer une solution. " En tendant une tyrolienne entre le clocher et les flèches, on peut ensuite descendre sur chacun des pinacles ". explique Nicolas Gaudé, aussi posément que s'il s'agissait de balayer l'escalier en sifflotant " la Traviata ".
Chef de chantier chez Adret, l'homme concède que ce dispositif (doublé pour des raison de sécurité) est tout de même très exceptionnel. Il figurera une corde d'environ 100 mètres de long tendue entre les tours... Une petite poulie accrochée là-dessus et hop! les travailleurs s'arrêteront en surplomb de toutes les pierres à visiter. II leur "suffira" de descendre dans le vide pour atteindre leurs cibles.
MOISSON DE MOUSSE

Bien consciente que ces nids d'aigles ne reçoivent pas souvent la visite des curieux, la

DRAC en a profité pour demander à Adret de faire de l'entretien. Débroussailler les arcs et les pinacles privés du service régulier d'un jardinier, démousser la pierre, pulvériser un produit empêchant la repousse. rejointoyer à la chaux là où le matériau des bâtisseurs gothiques a mal encaissé l'outrage des siècles. " On ne va pas déposer des tonnes de pierres. ce n'est pas le but ", prévient Nicolas Gaudé.
Dévoreuse de temps, cette campagne va durer tout l'été. Elle a démarré avant-hier par des travaux préparatoires et s'est poursuivie hier par une grimpette apéritive sur les flèches qui culminent à 80 mètres et des poussières de nuage. Flanqué de Franck Remiet et de Christophe Engelvin, Nicolas Gaudé a suscité les premiers émois des passants cantonnés sur le plancher des vaches. Le tissage arachnéen du réseau de cordes entre les flèches et le clocher devrait être entamé sous dix jours II sera alors temps de lever le nez pour admirer l'impressionnante dextérité des voyageurs verticaux. En marchant prenez garde aux lampadaires.